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Asthme: Seulement 2,4% des cas bien traités

Le Maroc compte trois millions d'asthmatiques. Plus de 80% ne sont toujours pas diagnostiqués Les dernières données de IMS Health, l'organe de centralisation d'information médicale, sont alarmantes. Sur les trois millions d'asthmatiques que compte le Maroc, seulement 72.000 seraient adéquatement traités. Pas étonnant que 41% des parts de marché des produits de l'asthme soit réservés à la fameuse petite bombe bleue, la Ventoline. Ce médicament -un broncho-dilatateur- est disponible en vente libre dans n'importe quelle pharmacie. «Il dilate les bronches pour permettre à la personne en crise de mieux respirer», explique le Dr Abdelaziz Aichane, professeur agrégé, pneumologue et allergologue à l'hôpital 20 Août, à Casablanca. «Mais cela ne traite que les symptômes et non pas l'inflammation des bronches, c'est-à-dire la maladie en tant que telle». Des histoires d'horreur, le Dr Aichane en connaît plusieurs. Il se souvient d'un jeune homme venu le consulter, il y a de ça quelques années. «Il avait entamé un traitement de fond et un mois plus tard, il m'a téléphoné pour me dire que sa vie avait complètement changé!». Mais ce jeune patient, se sentant mieux, a fini par laisser tomber le traitement. «Il a fait une très grosse crise, et la Ventoline n'agissait plus», poursuit Aichane, «il est mort alors qu'il était en route vers les urgences». Il est fort à parier que ce cas n'est pas isolé. Même s'ils disposent de très peu de données, les spécialistes estiment que 2 à 4% des asthmatiques sévères mourront des suites d'une crise. «C'est extrêmement difficile à évaluer, car les centres hospitaliers ne tiennent pas de registre sur le nombre de décès causés par l'asthme».Cette proportion fait tout de même dresser les cheveux au Dr Aichane. Car, selon lui, «il n'y a aujourd'hui plus aucune raison pour mourir de l'asthme!». Mieux encore, les traitements de fond permettent aux malades de vivre comme les autres, complètement. «Plus aucune crise, ni de jour, ni de nuit!».Le traitement de fond -ou corticothérapie- est disponible au Maroc depuis les années 1990. Si la cortisone fait souvent peur aux patients, avec sa batterie d'effets secondaires, il n'en est rien dans le présent cas. En effet, les doses de cortisone sont inhalées et ne passent pas par le sang. Tous les désagréments, comme le risque de prise de poids par exemple, sont donc évités. Normalement, un traitement s'étend sur un minimum de huit semaines, et peut aller jusqu'à six mois. «Cela dépend de chacun», précise Aichane.Financièrement, le traitement à base de corticoïdes inhalés est très avantageux. Une bombe de Ventoline coûte 56,30 DH. Un asthmatique peut en consommer jusqu'à une douzaine par année (676 DH). Or, le prix unitaire du générique corticoïdes Avicort ne dépasse pas les 83 DH, ou en moyenne 332 DH l'an, soit quatre bombes.Il existe aussi des traitements de corticothérapie combinée, comme le Sérétide par exemple, qui combine cortisone et dilatateur de bronches. Selon le Dr Aichane, il s'agit de la meilleure solution, celle qui permet une maîtrise absolue de l'asthme. Malheureusement, elle n'est pas à la portée de tous les portefeuilles: il faut compter près de 300 DH pour 60 doses.Mais l'argent n'est pas le seul obstacle au traitement efficace de l'asthme. Selon le docteur, il existerait au Maroc une véritable phobie de cette maladie. «Souvent, lorsqu'ils apprennent que leur enfant est asthmatique, les parents réagissent comme s'il s'agissait d'une malédiction», raconte le chercheur. «Ils préfèrent entendre que leur enfant souffre d'une crise asthmatiforme. Ce qui ne veut absolument rien dire!», lance-t-il exaspéré.La solution? Enseigner adéquatement ce qu'est l'asthme aux futurs médecins, assurer leur formation continue et sensibiliser le public aux solutions qui existent. «70% de mes patients ne travaillent pas, et la plupart sont analphabètes. Ils n'ont pas accès à une mutuelle, à la CNSS ou même à l'assurance-maladie obligatoire», affirme-t-il. Le rôle du médecin est donc capital. «Il faut user de pédagogie, les convaincre de poursuivre le traitement et d'utiliser la petite bombe rouge et non plus la bleue». En attendant, lui et d'autres spécialistes font le tour des régions pour tenter de sensibiliser les médecins généralistes et les pharmaciens d'officine. «J'étais justement à Khouribga ce matin, pour animer une table ronde à ce sujet». Le Dr Aichane caresse même le rêve de fonder un organisme qui viendrait en aide aux asthmatiques et à leurs familles. «Un genre de SOS Asthme. J'y songe sérieusement». Il faut dire que la «clientèle» pour un tel projet ne manque pas au Maroc. Pour rappel, il y a trois millions d'asthmatiques au pays. La ville la plus touchée par la maladie est sans surprise Casablanca, avec une prévalence de 16%. À Marrakech, le score descend à 4,4%.